Le samedi 12 mars 2011, à 11h00 du matin, des internautes tunisiens vont enfin, grâce à la Révolution du 14 janvier, pouvoir commémorer publiquement et pour la première fois la mort de Zouheir Yahyaoui, devant le Théâtre municipal de Tunis. Certains ne connaitraient probablement pas ce nom, cependant les vétérans de la cyberdissidence ont un respect solennel envers cet homme considéré comme le pionnier de l’Internet libre en Tunisie.
Il y a de cela 10 ans déjà, en juillet 2001, Zouheir crée TUNeZINE.com , un forum-site, devenu de plus en plus populaire, où il dénonçait les abus du pouvoir et démasquait les manœuvres criminelles d'un gouvernement qui agissait en usant principalement de trois armes : la propagande, la censure et le terrorisme envers ceux qui osaient s’opposer au système.
Après un an d’activisme pour une libre parole et d’anonymat sous le pseudonyme d’Ettounsi, une milice de la police parallèle, composée de 6 personnes, finit par débarquer au publinet de Ben Arous (Tunis) où Zouheir travaillait. Ne connaissant pas encore sa véritable identité, ces policiers n'avaient que l'adresse IP et s’apprêtaient à harceler les clients afin de démasquer le créateur de TUNeZINE. Dans un acte de bravoure, il se leva de sa chaise et s’adressa à eux en se dénonçant « Lâchez-les, c'est moi Ettounsi »… Il fut condamné pour « propagation de fausses nouvelles et usage frauduleux des lignes de communication ». Ces mots lui vaudront un an et demi de torture et de mauvais traitements en prison... A cause ou grâce à quelques problèmes de santé il bénéficiera - notamment sous la pression médiatique internationale -d'une liberté conditionnelle. Son combat lui valut le premier prix des cyberlibertés de Reporters s@ns frontières, l’amour et le respect inconditionnels de ses amis et l’humble gratitude des internautes tunisiens.
Deux ans à peine après sa libération, il meurt le 13 mars 2005 d'une crise cardiaque à l'âge de 37 ans. En mémoire de celui qui a osé dire non quand la plupart ne pouvait souffler un mot, le rendez-vous du samedi sera une commémoration du ‘’père de la e-Révolution’’ suivie par une visite à son domicile au 50, rue Habib Thameur, à Ben Arous, pour terminer par un recueillement sur sa tombe.
Zouheir Yahyaoui avait dit un jour « Continuer à faire ce que la dictature me reproche de faire est sans aucun doute un acte d'entêtement. Si je continue d'écrire dans TuneZine c'est parce que je ne vois pas la moindre avancée, pas même d'un millimètre sur le chemin de la démocratie ou de la liberté d'expression. La société tunisienne, comme la presse, est bâillonnée et sans la plus petite marge de liberté. Faut-il abandonner le combat et renoncer à tout espoir? "
Certes, les internautes de l’après-Révolution sauront « sans doute » répondre à cette question.